La psychanalyse nous enseigne que la parole est bien plus qu’un simple moyen de communication ; elle est la clé de voûte de notre mémoire. Sur le divan, je constate que chaque mot prononcé, chaque silence, chaque pause, sont autant de fenêtres ouvertes sur le passé, révélant des souvenirs enfouis, parfois oubliés. La parole devient alors l’un des fils conducteurs qui tissent la toile de l’histoire personnelle, redonnant vie à des événements lointains, à des émotions refoulées et à des désirs méconnus. En exprimant ses pensées, le psychanalysant ne fait pas que se libérer, il restructure sa mémoire, ordonne le chaos intérieur et redécouvre des pans de lui-même.
Mais au-delà de la parole, le corps lui aussi est un réceptacle de mémoire. Il parle à sa manière, entre autre de façon subliminale. Le corps se souvient, à travers des tensions, des postures, des symptômes somatiques, ce que l’esprit a parfois relégué dans les recoins obscurs de l’oubli. Ces empreintes corporelles témoignent des traumatismes anciens, des blessures émotionnelles non guéries, que seules l’attention et la compréhension, c’est-à-dire l’alliance thérapeutique, apaisent.
De ma position de psychanalyste, cette vérité me confirme que, sur le divan, le dialogue entre le corps et la parole crée un espace unique où mémoires verbales et corporelles se rencontrent. Ce processus permet de recomposer l’histoire personnelle, de redonner cohérence et sens à des fragments de vie épars. C’est dans cette alchimie entre dire et ressentir que s’opère le travail de mémoire, un travail qui libère et qui permet, je le constate au quotidien avec mes patients, de se réconcilier avec soi-même.
« La mémoire est l’avenir du passé », écrivait Paul Valéry, nous invitant à réfléchir sur le rôle essentiel que joue notre mémoire dans nos vies. Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, a souligné que « les souvenirs oubliés ne sont pas perdus pour toujours », mettant en lumière l’importance de revivre et de revisiter nos expériences passées pour mieux comprendre notre présent. Enfin, comme l’a exprimé Marcel Proust, dans sa Recherche du temps perdu, « le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant ».